Je regrette…

Il me regarde droit dans les yeux, marque une pause, et balance :

Et là, je bug.

Pas à cause du paddle.

Mais parce que ce mec-là, Jérôme, 47 ans, oreilles en chou-fleur, épaules comme des portails de grange, 30 ans de rugby dans les pattes… il vient de faire un truc rare :

Il revient sur un jugement.

J’ai trouvé ça classe.

Jérôme, c’est pas un perdreau de l’année.

C’est le genre à se lever pour faire du gainage pendant que le café coule.

Prépa physique ancrée dans le cœur.
Mais il a cédé… il a glissé.

Il fait du paddle.

Manquerait plus qu’il me dise qu’il a testé une compèt’ de Hyrox.

Ce Jérôme-là… c’est moi dans 10 ans.

Et franchement, ça me fout les jetons.

Alors je fais un truc stupide, juste pour le provoquer.
Je lui commande une panna cotta.

Le seul dessert qu’il mérite, à mes yeux.
Flasque, sans goût, sans vie.
Le dessert du non-choix, du bon goût fade.
Un truc qui glisse dans la gorge comme la vie peut parfois glisser sur nous : molle, tiède, sans relief.

La panna cotta, c’est du vomi chic.
L’acidité en bonus, grâce au coulis passion chimique.

Et là, ça me frappe.

• Paddle.
• Hyrox.
• Panna cotta.

C’est le triptyque de l’abandon.​
Le symbole d’un virage.
Le moment où t’arrêtes de chercher tes limites et que tu retournes dans le petit bain.

• Là où t’as pied.
• Là où t’es peinard.
• Là où tu fais attention à ton cardio parce que « faut pas trop forcer ».

Moi, j’en veux pas de ça.

Moi je veux le sport qui pique, le sport qui cogne, le sport où tu sens que t’es vivant parce que t’as frôlé l’échec ou la crampe ou les deux en même temps.

Je veux le goût du sang au fond de la gorge après un sprint.
Je veux l’aisselle crade d’un lutteur collée à ma joue.
Je veux le vent glacial d’un ultra-trail qui te racle les tripes au 56e kilomètre.

Le sport, c’est pas juste du mouvement.

C’est le seul endroit où je teste ma force.
​Ma puissance.​
​Ma capacité à me dépasser, vraiment.

Alors ouais, je prône le sport plaisir pour tous.
Mais est-ce que je me l’applique, ce principe ?

Quand je regarde Jérôme et sa panna cotta, une question me bouffe :

Est-ce que j’ai raison ?

Ou est-ce que je suis juste un jeune con qui refuse de devenir un vieux sage ?

Greg 😘